« On ne les laissera rien nous prendre », répondent les Cubains aux menaces de Washington
LA HAVANE, 18 Avril (AFP) « Cela ne va pas se passer comme ça, on ne les laissera rien nous prendre », promet Iris Lara, sûre que son pays, Cuba, saura se défendre après la décision américaine d’autoriser des poursuites sur les propriétés confisquées à la révolution. « Ici, nous sommes toujours là pour nous serrer les coudes » face à l’adversité, poursuit cette femme au foyer, croisée à la sortie d’un supermarché de La Havane.
Dans les rues de la capitale, rares sont les Cubains qui aiment parler ouvertement de politique, surtout face à des journalistes étrangers.
Pourtant, à la mention du nom de Donald Trump, beaucoup froncer les sourcils.
« C’est une menace constante », dénonce Mercedes Martinez, enseignante de 85 ans. « Je pense que Trump est quelqu’un de compliqué et il aime avoir les gens à sa botte. C’est sa manière d’être. »
Dernier fait d’armes de son administration? Ouvrir la voie à des milliers d’actions en justice aux Etats-Unis pour réclamer ce qui a été confisqué par Cuba en 1959.
« Qu’ils dirigent leur pays »
Ces propriétés « ont été nationalisées dans le respect de la loi », avec une offre d’indemnisation rejetée à l’époque par les Etats-Unis, assure le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez.
Pour accentuer la pression économique sur Cuba, Washington a également décidé de limiter les voyages et les transferts d’argent américains.
Parmi les propriétés qui pourraient être réclamées devant des tribunaux américains se trouve l’hôtel Habana Libre, l’ex-hôtel Hilton, aujourd’hui géré par l’entreprise espagnole Melia.
D’autres groupes étrangers pourraient être visés, comme la canadienne Sherritt International, copropriétaire, via une société mixte, de l’usine de nickel Pedro Soto Alba, ancienne propriété de la Moa Bay Mining Company, qui lui réclame 88 millions de dollars.
« C’est fou, ils (les Américains, ndlr) veulent faire la loi partout dans le monde », s’indigne Georgina, une retraitée. « Qu’ils dirigent leur pays, mais moi je vis ici à Cuba, je suis cubaine alors qu’ils fassent la loi dans leur pays mais pas ici. »
Mais ces jours-ci, les Cubains sont plus préoccupés par les pénuries d’aliments qui frappent l’île, en raison d’une économie au ralenti et bridée par l’embargo des Etats-Unis depuis 1962.
Sur le Malecon, célèbre boulevard côtier de la capitale, les touristes continuent de se promener en toute insouciance, à bord des vieilles voitures américaines décapotables qui ont fait la renommée de la ville.
Capacité de résistance
Cuba, qui a fait du tourisme l’une de ses grandes priorités, espère recevoir 5 millions de visiteurs cette année.
Et l’île socialiste mise sur l’afflux d’investissements étrangers avec des hôtels de luxe gérés notamment par les Espagnols Melia et Iberostar, ou encore le Français Accor.
Pour l’ambassadeur de l’Union européenne Alberto Navarro, les nouvelles sanctions américaines veulent refroidir toute entreprise intéressée par Cuba: « C’est pour qu’un investisseur se dise +au lieu d’investir à Cuba, je vais le faire à Punta Cana+ », en République dominicaine.
Le chef de la diplomatie cubaine Bruno Rodriguez appelle, lui, à garder son calme: « Sans perdre le sommeil, en toute sérénité, avec enthousiasme et la certitude que nous allons dans la bonne direction, nous affronterons n’importe quelle difficulté ».
Près de 50 ans jour pour jour après l’attaque de la Baie des Cochons de 1961, Cuba rappelle à l’envi que cette tentative d’invasion américaine s’était soldée par une défaite cinglante.
Mercedes Martinez veut croire, elle aussi, en la capacité de résistance de son pays: son grand-père a participé à la lutte d’indépendance contre l’Espagne en 1895, son père a combattu aux côtés de Fidel Castro, elle-même à pris part à la mobilisation générale durant la crise des missiles en 1962.
L’heure est peut-être venue de faire la paix, dit-elle: « Nous avons prouvé que nous n’avons pas peur, que nous sommes unis, mais nous ne sommes pas prêts à nous battre comme des petits enfants, mais plutôt à nous mettre d’accord. Car qu’est-ce qu’il (Trump, ndlr) gagne dans tout ça? »