Les forces de sécurité cubaines harcèlent et arrêtent des militants à la veille d’une manifestation prévue

Les forces de sécurité cubaines harcèlent et arrêtent des militants à la veille d'une manifestation prévue

LA HAVANE, 14 Nov. (AFP) « Cuba va vivre en paix », a promis dimanche le président Miguel Diaz-Canel devant ses partisans, rejetant le défi lancé par l’opposant Yunior Garcia, bloqué chez lui par les forces de l’ordre pour l’empêcher de défiler en solitaire à La Havane.

« Et en vivant en paix, (Cuba) va se perfectionner », a-t-il ajouté face à environ 70 étudiants communistes, qui organisent depuis vendredi soir un sit-in au Parque Central, près du Capitole, en soutien au gouvernement.

Portant un foulard rouge autour du cou comme les étudiants, le président s’est assis quelques instants en tailleur au milieu d’eux.

« Nous cherchons le perfectionnement de la société (…), en défendant le socialisme et en condamnant comme vous les campagnes pour perturber l’ordre interne, les campagnes médiatiques contre Cuba », a déclaré M. Diaz-Canel, qui accuse les Etats-Unis d’être à la manoeuvre en coulisses.

A l’autre bout de la capitale, dans le quartier populaire de la Coronela, l’opposant Yunior Garcia était lui bloqué dans son appartement.

« Aujourd’hui je me suis réveillé avec mon domicile assiégé, tout l’immeuble est cerné d’agents de la Sécurité de l’Etat habillés en civil », a-t-il annoncé dans une vidéo sur Facebook.

Une équipe de l’AFP a pu constater que sa rue était bloquée par une forte présence d’agents en civil, sur la chaussée et les toits des immeubles.

Les forces de sécurité cubaines harcèlent et arrêtent des militants à la veille d'une manifestation prévue

(Adalberto Roque/AFP/Getty Images)

Alors que des hommes avaient déployé de gigantesques drapeaux cubains sur la façade de son immeuble, le dissident a tendu la main de sa fenêtre pour faire apparaître une rose blanche, avec laquelle il avait l’intention de défiler.

Yunior Garcia, dramaturge de 39 ans, avait appelé à une manifestation pour la libération des prisonniers politiques lundi, à La Havane et dans six provinces.

Mais, inquiet de la violence pouvant éclater ce jour-là, il a décidé de marcher seul dimanche après-midi sur une avenue havanaise. La Sécurité de l’Etat l’a prévenu qu’il serait arrêté s’il essayait.

Le groupe de débat politique sur Facebook Archipiélago, qu’il a créé, avec plus de 30.000 membres dans et en dehors de Cuba, maintient son appel à défiler lundi.

– Sanctions contre Efe –

Les autorités cubaines ont retiré samedi les accréditations des cinq journalistes de l’agence espagnole de presse Efe à La Havane, invoquant « la réglementation sur la presse étrangère », sans donner de raison exacte, a déclaré le chef de la rédaction Atahualpa Amerise à l’AFP.

Dimanche matin, il a annoncé sur Twitter qu’une rédactrice et le caméraman avaient récupéré leurs accréditations à l’issue de « négociations ».

A Madrid, les autorités espagnoles ont convoqué le chargé d’affaires de l’ambassade cubaine pour « demander des explications », selon des sources diplomatiques. L’ambassade espagnole à La Havane est aussi intervenue.

Reporters sans frontières a condamné « un fait gravissime ».

Selon Archipiélago, au moins six coordinateurs du groupe sont empêchés de sortir de chez eux par les forces de l’ordre. Le dissident Guillermo Fariñas a lui été arrêté dès vendredi.

La télévision d’Etat a accusé Yunior Garcia d’être un agent entraîné et financé par Washington, le montrant en train de participer à un séminaire à Madrid sur le rôle des forces armées dans un éventuel processus de transition à Cuba, et révélant des versements de petites sommes d’argent depuis l’étranger.

La manifestation de lundi, interdite par le gouvernement, coïncide avec la réouverture de l’île au tourisme international, le retour à l’école des élèves du primaire et la célébration du 502e anniversaire de La Havane.

– Washington attentif –

L’opposition exige la libération des prisonniers politiques, quatre mois après les manifestations historiques du 11 juillet, aux cris de « Nous avons faim » et « Liberté », qui se sont soldées par un mort, des dizaines de blessés et 1.270 personnes arrêtées, dont 658 restent détenues, selon l’ONG Cubalex.

Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a appelé « le gouvernement cubain à respecter les droits des Cubains, en les laissant se rassembler de manière pacifique ».

M. Blinken « doit apprendre une bonne fois pour toutes que le gouvernement cubain n’est redevable qu’envers son peuple et rejette en son nom l’intromission des Etats-Unis », lui a rétorqué via Twitter le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodriguez.

La manifestation, devenue le grand sujet de conversation à Cuba, a été planifiée presque exclusivement via l’internet mobile, arrivé à Cuba fin 2018.

« Grâce aux réseaux sociaux, pour la première fois à Cuba une société civile vraiment indépendante est en train d’émerger », se félicite Yunior Garcia.

C’est sans doute pour cela que beaucoup redoutent dimanche et lundi une coupure d’internet, comme celle survenue lors des manifestations du 11 juillet.