La Havane: la mode des scooters électriques, bienvenue face au manque d’essence

La Havane: la mode des scooters électriques, bienvenue face au manque d'essence

LA HAVANE,  10 nov. (AFP)  Fin de journée à La Havane: une foule de Cubains patiente à l’arrêt de bus bondé, alors que l’île manque d’essence.Soudain vient à la rescousse un escadron de scooters électriques, une mode locale bienvenue en ces temps de crise.

Dans un concert de klaxons, une cinquantaine de conducteurs de ces engins, apparus ici en 2013, invitent les piétons à monter à l’arrière de leurs véhicules, en précisant qu’ils vont vers l’ouest de la ville.

Surpris mais soulagés, ceux qui attendaient depuis des heures un hypothétique bus s’empressent de grimper à bord.

« Cette initiative me plaît beaucoup, ça aide vraiment les gens qui sont dans le besoin », réagit Yanet Figueroa, 42 ans, à califourchon derrière un conducteur.

L’île socialiste, dans le viseur de Washington pour son soutien au gouvernement de Nicolas Maduro au Venezuela, en a souffert les conséquences en septembre, avec une pénurie d’essence provoquée par les sanctions américaines contre les bateaux transportant le pétrole vénézuélien, sa source quasi-unique de brut.

Le pays, qui consomme 7,2 millions de tonnes de carburant par an, a fonctionné avec 30% de son niveau habituel en septembre, 62% en octobre. Le transport public, déjà déficient, a été réduit au strict minimum.

Le président Miguel Diaz-Canel a alors appelé à la solidarité des automobilistes – obligatoire dans le cas des véhicules d’Etat -, incités à prendre en stop les Cubains sans moyen de transport.

« Ici à la Havane, les fameux… comment on les appelle déjà? Les scooters électriques, eux aussi sont venus » prêter main forte, a-t-il salué à la télévision.

– Plus de 200.000 –

Il est vrai que leurs conducteurs ont répondu à l’appel présidentiel: « Nous nous sommes proposés pour mener des actions sociales », explique l’un d’eux, Javier Capote, 33 ans. « Et tout se passe très bien, on est contents ».

Ces dernières années, les scooters électriques ont poussé comme des champignons dans les rues de Cuba. Depuis 2013, les particuliers peuvent importer des modèles d’une puissance maximale de 1.000 watts et une vitesse limitée à 50 km/h.

Nombreux sont les Cubains qui vont ainsi faire leurs courses au Panama, d’où ils sont autorisés à une importation libre d’impôts par an… qui inclut généralement un scooter électrique.

Les engins, revendus via internet 1.800 à 2.300 dollars, seraient aujourd’hui 210.000 à circuler, selon des estimations officielles, se frayant un chemin entre les vieilles berlines américaines.

Le chiffre devrait grimper encore: le gouvernement a commencé à les importer et les vendre dans des boutiques d’Etat à un prix maximum de 1.700 dollars.

« C’est une très bonne idée qu’a eue l’Etat », se félicite le mécanicien Enrique Alfonso, 47 ans, dans son atelier.

Car cela peut aider à pallier à la fois les problèmes chroniques de transport et les futures pénuries de carburant. Durant la Période spéciale, crise économique des années 90, « la mode était aux bicyclettes chinoises, et maintenant c’est celle des scooters électriques », sourit Enrique.

Au départ, pourtant, ces véhicules d’un nouveau genre n’ont pas été bien accueillis par la population. Silencieux et pilotés par des conducteurs souvent inexpérimentés, ils ont causé beaucoup d’accidents, notamment des personnes âgées renversées car elles ne les entendaient pas arriver.

– Club citoyen et escargots –

La police exige désormais des conducteurs d’avoir un permis et de faire enregistrer leur véhicule.

Ces derniers s’organisent aussi: quelque 80 d’entre eux sont par exemple regroupés dans le club Scooters électriques de Cuba, un reflet des initiatives citoyennes similaires qui se sont multipliées dans le pays grâce à l’arrivée de la 3G (internet mobile) fin 2018.

L’idée initiale du club? « S’amuser et partager notre passion », raconte son président Osdany Fleites, chauffeur de taxi de 37 ans.

Puis « nous avons décidé de soutenir les activités en lien avec l’environnement et d’aider les gens qui en ont besoin », ajoute-t-il, niant toute motivation politique.

Ensemble, ils ont nettoyé l’embouchure du fleuve Quibu, donné leur sang dans un hôpital et rendu visite à des enfants malades de cancer.

Leur dernière action? Participer à la lutte contre l’escargot géant africain, une espèce invasive et dangereuse pour la santé, introduite en 2014 et désormais présente dans 12 des 16 provinces de l’île.

« Nous sommes en train de retirer ces escargots pour protéger l’environnement, c’est une invasion très grande et nocive », témoigne Gladys Garcia, 48 ans, venue avec d’autres membres du club, qui réfléchit déjà à d’autres actions solidaires, notamment pour nettoyer la baie polluée de La Havane.